RANDOM FUTURE


Un square quelque part dans une ville qui s’évide, à quelques mètres d’un fleuve qui se rengorge, déborde, dévore. Autour d’un banc bariolé, un amoncellement de cartons enrubannés, de sacs en plastique remplis de vaisselle, de magazines, d’albums photos, de livres, d’appareils ménagers, des canapés empaquetés, des lampes toutembullées, des doudous chafouins, des tas de papiers importants retenus par des cordelettes, des tapis enroulés, des valises trop pleines pour être correctement fermées...

 

Crachins d’un microphone en marche.

 

Dylan entre, chargé d’un carton. Celui-ci glisse entre ses mains, va s’écraser par terre. Dylan tacle le carton réfractaire, se met à en recollecter le contenu. Toute une collection de jouets.

 

ZAÏN OFF. – Bon j’espère que ça marche

Salut les copains

Alors voilà

Pour vous la faire courte en gros ici c’est la hass

Mais la hass version masto hass

Le vingt juillet dernier

Les infos ont dit foutez le camp y a tout qui part en couilles

Et ni une ni une t’as tout le monde au bassin puis dans la cité qui a pris ses clics et ses clacs

Et qui s’est cassé

Sans regarder derrière

Pas le temps paraît-il

Simple quoi

Un problème de dilatation des eaux océaniques et de submersions subséquentes lentes et inévitables un truc comme ça tu vois et

Putain il a fallu que ça déborde pour que les bouffeurs de complots genre Terre plate ils se disent ah ouais en fait c’était sérieux frère

Bref c’est pas le sujet

Moi c’est Zaïn

Z A I trémas N

Mais je suis pas là

Me demandez pas pourquoi

Je me suis évaporé un mardi bien avant tout ça

C’est tout ce que mes darons la police et les frères ils savent

Zaïn il s’est débiné un mardi

Simple

Mais ça m’empêchera pas de parler de ceux qui sont restés

C’est eux le sujet

Là ils se préparent à battre en retraite comme le reste du genre sapiens sapiens

 

Dylan a fini de rassembler. Contemple le travail. Mais tombe sur une figurine avec laquelle il joue comme s’il avait à nouveau sept ans.

 

ZAÏN OFF. – D’abord il y a le sang

Dylan

Lui c’est de la team costaud-dehors-tout-crème-dedans

 

GARY. – C’est quoi ça Dylan ?

 

Entre Gary, muni d’un sac de supermarché bourré de rallonges, chargeurs de téléphones, etc.

 

DYLAN, jartant la figurine. – C’est rien

 

GARY. – Ok Dylan

 

ZAÏN OFF. – Ça c’est Gary

Un gars qui est loin loin loin dans sa tête

 

LILA. – LES GARS VENEZ M’AIDER

 

Lila rentre, avec deux plantes en pots et un vanity en osier. Dylan file en râlant.

 

LILA. – Sympa

 

Gary va l’aider.

 

ZAÏN OFF. – Lila c’est la daronne

 

LILA. – Merci Gary

 

ZAÏN OFF. – Un roc cette meuf une montagne

 

GARY. – DYLAN ATTENDS-MOI

 

Gary sort.

Musique.

Diane, encombrée d’un miroir, et Nawelle, assortie d’une valise qui a vu du pays, entrent en musique.

 

ZAÏN OFF. – Dans la team fofolles mais les gars sûrs

Y a Diane en primo

Une bonne meuf dans le sens qu’elle est cool et toujours positive

Et puis Nawelle

Qui a le verbe haut mais les ambitions basses d’après la prof de français

 

Diane change la musique, Lila s’engage dans une danse minimaliste avec Nawelle. Issam, tenant à bout de doigts une caisse pour animaux, fait son entrée.

 

ZAÏN OFF. – Ah oui et l’asperge vivante là c’est Issam

Un moine tibétain ce type

 

ISSAM. – Je te mets ça où Diane ?

 

DIANE. – On s’en fout ça part à la casse

 

ZAÏN OFF. – Peu importe ce qui peut se passer

Le mec restera toujours tranquille et zen

 

Diane, Nawelle et Lila entraînent Issam dans la danse.

Au bout d’un moment, Tania apparaît, abattue. On s’arrête pour la regarder.

 

LILA, exaspérée. – Tania

 

TANIA. – Quoi ?

 

LILA. – On en a déjà parlé non ?

Tu vas pas rester ici

Tu peux pas rester ici

 

TANIA. – Oui Maman je sais

Je suis pas hors réalité non plus

 

NAWELLE. – Tania arrête

 

LILA. – C’est pas grave c’est pas grave

 

Tania s’assoit par terre. Lila la rejoint. Tania pose sa tête contre son épaule.

 

ZAÏN OFF. – Tania elle a fait 2 TS l’année dernière

Elle tient plus debout Tania depuis que son petit frère/

 

Diane va les trouver.

 

DIANE. – Allez viens on va chercher tes affaires ok ?

 

NAWELLE. – On fait ça toutes les quatre qu’est-ce t’en dis ?

On va kiffer

 

TANIA. – T’appelles ça kiffer toi ?

 

Soudain Tania se lève, accablée, regarde vaguement les objets entreposés.

 

ZAÏN OFF. – Avant

Quand elle faisait ses practices dans le garage avec son petit frère qui la regardait assis sur le capot de la Golf

C’est comme si le monde n’était plus qu’une piste de danse

Et le futur

Un truc plus si effrayant que ça